Jean-Claude Snyders

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Il faudrait que tu croies enfin à ma tendresse, Jean-Claude Snyders

« Les parents doivent être assurés que leurs enfants les aiment : c’est la thèse défendue par le professeur et auteur Jean-Claude Snyders dans son récent ouvrage … un témoignage essentiel »Le Soir, Bruxelles

« Un témoignage d’amour d’un enfant à ses parents. Et inversement. »La Montagne

« Un livre porteur d’espoir. »Radio France Bleu Rhône-Alpes

« L’auteur parvient à poser des mots sur l’indicible. Et par delà un style qui emporte, on découvre l’amour inconditionnel d’un enfant pour ses parents : ‘’un amour plus grand que celui que j’éprouve pour ma mère et pour toi, il n’y en a pas dans le monde.’’ Bouleversant. »Psychologies magazine

« L’auteur nous confronte à nos propres émotions, en évoquant les siennes avec un grand talent. »Enfance majuscule

« Jean-Claude Snyders combat le mal par l’amour… un livre magnifique. »Annie Ernaux, Prix Nobel de Littérature 2022

« J’ai été très sensible aux préoccupations qui sont les vôtres, dans ce livre, sur l’éducation et la place des enfants dans la famille afin de lutter contre la haine et la cruauté. » – Le Pape François, lettre du 20 juin 2022

Il faudrait que tu croies enfin à ma tendresse
Jean-Claude Snyders

Comment un petit garçon, pétri d’admiration et d’amour pour son père, peut-il saisir les terribles colères de ce dernier ?
Comment survivre à l’effroi, à la culpabilité qui s’abat alors ? C’est le départ du récit de Jean-Claude Snyders sur la figure de Georges Snyders (1917-2011), son père, professeur en sciences de l’éducation à la Sorbonne et ancien prisonnier d’Auschwitz. Ce brillant intellectuel ne parvient pas à raconter à son enfant ce qu’il a vécu pendant la guerre. Entre eux, la peur et la tendresse se mélangent au rythme de la musique, qui devient un langage commun. L’auteur parvient à poser des mots sur l’indicible. Et par-delà un style qui emporte, on découvre l’amour inconditionnel d’un enfant pour ses parents : « Un amour plus grand que celui que j’éprouve pour ma mère et pour toi, il n’y en pas dans le monde. »
Bouleversant.

E.G., PSYCHOLOGIES

Résilience | "Le chemin qui mène jusqu'à toi, on ne saurait le voir : je l'ai trouvé cependant"

C’est une histoire de résilience, ou plutôt une histoire DES résiliences, que nous propose l’auteur Jean-Claude Snyders dans ce récit autobiographique.

Peut-on devenir, en oubliant ce que l’on a été ou subi ? Forcer la porte de son passé ne nous condamne-t-il pas à errer loin de nous-même, ou de ceux qui sont censés nous protéger et qui ont eux-mêmes été emportés ?

L’auteur nous confronte à nos propres émotions, en évoquant les
siennes avec force et fragilité. Et avec un grand talent…

Paru aux éditions Fabert , avec le témoignage d’Edgar Morin.

Enfance Majuscule, janvier 2022

« … Comme si j’arrivais au camp d’Auschwitz, même si je n’étais pas né à cette époque, je viens, longtemps après, mettre ma main dans la tienne, mon père, pour t’inciter à ne pas désespérer, pour te faire comprendre que tu n’es pas seul, que malgré les apparences tu ne pourras jamais l’être.

Je viens laver ta souillure, qui n’est pas une souillure; je viens te dire qu’à la place de ce que tu crois être une souillure se trouvent uniquement des stigmates qui révèlent ta grandeur.

Je viens te dire que lorsque la matraque ou le fouet des kapos s’abattent sur toi, comme ils le feraient sur un animal, ce sont ceux qui donnent des coups qui se ravalent au rang de bêtes, et que lorsqu’ils emploient pour te parler, comme ils le font chaque fois qu’ils s’adressent à des détenus, un ton de mépris, ce sont
eux seuls qui montrent leur bassesse; – alors que l’on vous frappe, que l’on ne s’adresse à vous que comme à des gens qui seraient à peine humains, que l’on s’efforce de vous mettre aussi bas qu’il est possible, vous pour qui le plus grand respect ne serait pas suffisant encore, alors même que vous êtes à terre, tombés sous les coups des SS ou sous la morsure de leurs chiens, plus que jamais vous êtes debout.

Squelettiques, émaciés, en haillons, tandis que l’on croit vous avoir rendus pitoyables, vous demeurez éblouissants; vous éclairez le monde d’une indépassable lumière… »

« Il faudrait que tu croies enfin à ma tendresse », extrait.
Jean-Claude Snyders

« … On sait bien que notre enfant nous est attaché ; on sait que tous les enfants aiment leurs parents : il fait tant de choses, cependant, qui semblent montrer le contraire.

Cet attachement qui nous est dissimulé, il arrive qu’un jour, pourtant, on le perçoive enfin : on comprend, alors, que notre enfant éprouve pour nous une grande tendresse, sans qu’il le dise jamais ; on comprend qu’il s’efforce aussi, d’une manière secrète, de nous faire connaître cette tendresse, désespéré que nous ne parvenions pas à la voir.

… Même dans les moments où il paraît m’être tellement hostile, même dans ces moments-là, peut-être, il me faudrait tenter de discerner son affection ; comme on s’efforce de voir les contours d’un paysage dans l’obscurité, il me faudrait m’efforcer de distinguer cette affection lorsqu’elle ne m’apparaît plus, lorsque même elle est, pour un moment, absente – tenter de la voir jusque dans le ressentiment qu’il manifeste contre moi, parce que celui-ci est dû probablement, avant tout, à la conviction qu’il a de mon
désintérêt à son égard.

Peut-être faut-il aimer son enfant lorsqu’il va mal, lorsqu’il ne fait rien, ou seulement des choses qu’il ne faudrait pas faire, des choses que nous souhaiterions qu’il ne fasse pas ; l’aimer même quand il ne veut plus nous voir – parce que cela n’est sans doute pas, quoi qu’il affirme, son réel désir, parce qu’au-delà de son hostilité il éprouve également la volonté d’être tendre, et que même s’il ne nous donne jamais de marques de tendresse, ce sentiment demeure présent cependant ; parce que, de plus, s’il nous en veut, c’est peut-être du fait de malentendus qu’il est possible de résoudre.

Il nous faut aimer les présents qu’il  nous fait, et l’aimer encore quand il ne nous donne rien ; il nous faut peut-être tenter de lui montrer que malgré les reproches qu’il nous adresse, notre attachement pour lui ne saurait se démentir : cet attachement qui ne peut disparaître, qui ne peut même s’atténuer, n’est-ce pas cela surtout que, de notre part, il recherche… »

« Il faudrait que tu croies enfin à ma tendresse », extrait.
Jean-Claude Snyders

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« Un étrange passé »
Jean-Claude Snyders

Editions FABERT, 2017

 « … Du temps où vous étiez bébés, quand je vous voyais pleurants, désespérés, vous agitant en tous sens, votre grandeur continuait à m’apparaître; je savais que peu après, elle allait resurgir: absente, je pouvais la distinguer encore.

Aimer, n’est-ce pas apercevoir dans les êtres qui nous sont chers la grandeur, même dans les moments où elle paraît lointaine; n’est-ce pas la trouver aux temps difficiles, lorsque l’on pourrait croire qu’elle s’en est allée (…)

C’était alors surtout, quand vous étiez égarés, sans repères, désirant à la fois nourriture et propreté, ne sachant même plus ce dont vous aviez envie, c’était alors qu’il nous fallait, à votre égard, être doux: la bienveillance que l’on témoigne à un tout petit, aux heures éplorées, est un présent que rien ne peut égaler jamais.

Eperdus de colère et de chagrin, vous deviez impérieusement recevoir notre aide; d’un pareil désespoir, vous ne pouviez sortir seuls. Même si vos cris vous empêchaient d’entendre nos paroles, même si vous étiez trop petits pour comprendre celles-ci, il nous fallait vous redire alors, sans nous lasser, que bientôt vous iriez mieux, que vous n’aviez nulle raison de ressentir une aussi terrible colère, que nous ne vous abandonnerions pas, quoi qu’il en fût, à votre peine. Il nous fallait tenter de ne pas nous décourager, même face à une colère qui ne s’apaisait pas, face aux larmes qui ravageaient votre visage, face aux coups que vous tentiez de nous donner et dont il était aisé de voir qu’ils ne témoignaient pas de votre haine, mais de votre détresse… »

Jean-Claude Snyders, « Un étrange passé », 2017, extrait

 « … Il y avait des moments où, à Auschwitz, il fallait, pour les déportés, courir devant les SS. Ceux-ci obligeaient les prisonniers à passer nus devant eux afin de voir s’ils n’étaient pas trop épuisés, s’ils pouvaient travailler encore; les plus faibles des détenus, ceux qui ne pouvaient presque plus se déplacer, tout de suite après ces sélections étaient envoyés à la chambre à gaz.

Ces moments-là, même quand mon père a pu évoquer sans difficulté sa déportation, il n’en a pas parlé (…)

Certains déportés, avant de s’élancer dans cette course, se pinçaient eux-mêmes les joues pour éviter, lorsqu’ils passeraient devant les SS, de paraître d’une trop grande pâleur. Alors que la plupart d’entre eux ne pouvaient presque plus se mouvoir, tous faisaient pourtant l’effort immense de courir: leur course était lourde, hagarde, maladroite.

Aucune course, jamais, n’avait été aussi sublime.

.. Emaciés, souffreteux, vous ne pouviez vous déplacer que lentement, comme en boitant. Vous tombiez quelquefois, et il vous était difficile, alors, de vous relever; pourtant vous surpassiez en grandeur les héros olympiques: aucun de ceux-ci, pas même les plus prestigieux, n’aurait pu approcher de la beauté qui, alors, était la vôtre (…)

Vous ressembliez à peine à des hommes: vous incarniez l’humanité »

Jean-Claude Snyders, « Un étrange passé », 2017, extrait

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« Secret d'enfance »
Jean-Claude Snyders

Editions Le Manuscrit, 2013

« A quoi pensais-tu, en ce 18 janvier 1945, au camp d’extermination d’Auschwitz où tu te trouvais, à ce moment où, pour échapper à l’armée soviétique, les Allemands rassemblaient à la hâte tous les déportés, parmi lesquels tu étais, pour évacuer le camp

A quoi pensais-tu quand, ce jour-là, au milieu des hurlements des SS, des aboiements des chiens, dans le chaos qu’amenait le rassemblement improvisé de milliers d’hommes dans la nuit et le froid, tu t’es glissé hors de cette foule, faisant preuve d’un courage et d’une intelligence inouïs, pour te cacher, seul, dans un hangar situé à l’intérieur du camp, non loin de la porte de celui-ci, afin d’échapper à la marche qui se préparait et dont tu savais que, du fait de ton extrême faiblesse, tu ne pourrais la supporter

Lorsque, décharné, rongé de vermine, la peau ravagée par la gale, vêtu seulement, comme tous tes compagnons, d’une veste et d’un pantalon de toile par trente degrés au-dessous de zéro, tu grelottais dans ce hangar ouvert à tous les vents, en sachant que si un seul Allemand avait l’idée d’y entrer, tu serais immédiatement fusillé, à quoi donc pensais-tu

A quoi pensais-tu, mon père – toi qui n’étais pas encore mon père – dans ce moment où passaient, sans que tu puisses les voir, les quelques milliers de survivants qui commençaient une marche épuisante, où seraient abattus, sans pitié aucune, ceux qui avaient peine à se mouvoir aussi vite que le voulaient les Allemands; dans ce moment où, te dissimulant derrière un fatras d’objets divers, tu entendais les SS marcher à quelques mètres de toi… »

« Secret d’enfance » (Editions Le Manuscrit, 2012, préface de Boris Cyrulnik, postface de Jacques Le Goff)

Vers 1980, aux Etats-Unis, a surgi un problème terrible et passionnant: les survivants de la Shoah transmettent des troubles à leurs enfants! Le fait de ne pas dire ce qui leur était arrivé aurait amené un trouble anxieux chez les enfants qui leur sont attachés.

Georges Snyders, le père de l’auteur de ce livre, s’est tu sur sa déportation, parce qu’il craignait d’entretenir l’horreur et d’effrayer ses enfants. A cette époque, on pensait qu’il suffisait de se taire pour ne pas souffrir, et pour ne pas faire souffrir ceux qu’on aime. De fait, j’ai soigné des enfants de militants communistes revenus des camps, et qui avaient parlé de ce qu’ils avaient vécu: ces enfants souffraient de syndromes post-traumatiques transmis par les récits de leurs parents survivants.

Georges Snyders a donc peut-être eu raison de se taire. Mais en se taisant, il faisait naître une sensation d’étrangeté chez ses proches. Jean-Claude, quand il était enfant, a sans doute été terrifié par le silence de ce père qu’il aimait, silence qui indiquait le lieu du mystère (du crime peut-être?) Des colères soudaines de son père, sans cause apparente, l’effrayaient tout autant.

Pas facile d’aimer tranquillement un père aussi attachant, et insécurisant.

… Faudrait-il agir sur la culture, sur la manière d’évoquer Auschwitz et le malheur, pour limiter la transmission de la souffrance à travers les générations?

Jean-Claude Snyders, en nous invitant à réfléchir au malheur et à la terrible victoire de son père, travaille à ces récits et à ces réflexions.

Boris Cyrulnik, extrait de la préface à « Secret d’enfance »

J’ai connu Georges Snyders à l’Ecole Normale Supérieure de la rue d’Ulm, en 1945. Je venais d’être reçu à l’Ecole, et Georges Snyders y était revenu pour préparer l’agrégation, dans son cas l’agrégation de philosophie.

Dès la première fois que je le vis, je fus frappé par un air que je n’avais jamais rencontré. Je sus bien vite son histoire. J’évitais de lui en parler, et lui-même ne m’en parla jamais, sauf par une ou deux obscures allusions. Il était connu à l’Ecole pour son effroyable destin, pour sa silhouette angoissante, et peut-être surtout par le fait qu’il passait une notable partie de son temps à jouer sur le vieux piano de l’Ecole, dont il savait tirer des sons merveilleux. 

Il était pourtant chaleureux, et ne refusait ni les rencontres, ni les conversations; il faisait preuve d’une grande empathie pour les autres, curieux de leur travail, sans s’étendre sur le sien propre.

Dans le souvenir que, comme beaucoup des camarades de cette époque, je garde de lui, je me rappelle que, si nous étions secoués par sa silhouette et surtout par son visage, il n’y avait chez lui aucune volonté de jouer un rôle, ni de rappeler ce qu’il avait vécu. C’est malgré lui qu’il donnait l’impression de la plus terrible épreuve qu’un homme ait pu rencontrer à cette époque. Mes camarades comprenaient, comme moi, qu’il souhaitait éviter l’admiration et la compassion mélangées qui les étreignaient quand ils le voyaient, et plus encore quand ils lui parlaient. Mais ce silence qu’il gardait sur son histoire rendait plus impressionnante encore l’image de rescapé de l’enfer qu’il donnait. 

Il reste que, pour ce qu’il fit et vécut durant cette époque terrible, et pour sa volonté, réussie, d’avoir une vie intellectuelle, professionnelle, conjugale et familiale féconde, et j’allais dire normale, il représente un des plus beaux types d’hommes qu’il m’ait été donner de rencontrer.

Son fils, Jean-Claude Snyders, normalien comme lui, me permettra-t-il de dire que son père eut cette chance, ce bonheur d’avoir un fils qui, dans des circonstances heureusement moins tragiques, le poursuivit en quelque sorte, et modela sa mémoire, permettant à ceux qui n’avaient pas connu son père de savoir que quelqu’un avait donné cette image exceptionnelle de l’homme dans son courage, dans sa souffrance hors du commun, et dans la fécondité d’une vie miraculeusement préservée.

Jacques Le Goff, extrait de la postface à « Secret d’enfance »

« Père et fils »
Jean-Claude Snyders

1993

« Avant ta naissance, je croyais qu’un enfant n’était que source d’ennuis, qu’il vous dérangeait le jour, vous réveillait la nuit, vous empêchait, en toutes circonstances, de faire ce que l’on souhaitait.

Il me semblait aussi qu’un tout petit n’avait besoin que de sa mère, et qu’un père, auprès de lui, n’avait que peu de place dans les premiers temps.

Et puis tu es venu.

Tu t’es d’abord élancé vers le sourire maternel, ce lieu où il est si doux de se blottir, et que tu recherchais comme d’autres font les Indes.

Mais un jour tu m’as regardé.

Tu m’as regardé, et le monde s’est mis à trembler jusque dans ses fondements. Tu m’as regardé: à ton exemple, je me suis senti naître.

Ton babil m’était mystérieux. Tes mots n’étaient pas encore des mots, mais ressemblaient à des fleurs en bouton, attendant d’éclore. Cela importait peu: ne pouvant accueillir ces sons dans mon esprit, je les recevais dans mon âme. Je ne comprenais rien à tes paroles: elles donnaient un sens à ma vie. »

Jean-Claude Snyders, « Père et fils », extrait (Buchet-Chastel, 1993, préface du Professeur Serge Lebovici)

C’est un père qui a deux fils et qui ne joue pas à être un « nouveau père ». Il raconte patiemment les découvertes de la paternité. Il montre comment le paternage lui confère la dignité paternelle. Jean-Claude Snyders retrouve tout naturellement la théorie de la transmission intergénérationnelle, qui paraît si importante pour déterminer le mandat assigné à l’enfant qui vient au monde.

C’est un mandat qui consiste à faire de son père un père, et à donner un nouveau sens au couple, comme à ceux qui sont devenus des grands-parents.

Ce père se demande, d’ailleurs, pourquoi ses bébés tant aimés montrent tout de même des manifestations d’angoisse. Sont-elles, se demande-t-il, l’apanage de ceux qui sont aimés et qui aiment: les enfants qui offriraient par là un paradigme à l’amour de l’homme inquiet de perdre l’amour de sa femme.

Ce livre où père et fils sont, les uns pour les autres, les meilleurs des pédagogues, est un document de grande valeur non seulement par ses qualités littéraires, mais aussi par les leçons qu’on peut en tirer quand on s’occupe, comme beaucoup de chercheurs contemporains, de la naissance et du développement des fonctions paternelles…

Serge Lebovici